1. Le Conseil Général du Développement Agricole (CGDA, Maroc) et le Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER, France), avec l’appui de l’Agence Française de Développement et de leurs partenaires, consacrent la quatrième édition du Séminaire international Eau et Sécurité Alimentaire en Méditerranée (SESAME) au thème « Relever le triple défi « sécurité alimentaire, atténuation et adaptation au changement climatique » en Méditerranée et en Afrique de l’Ouest .
Le SESAME 4, séminaire de réflexion multi acteurs Nord-Sud, a pour objet, comme les précédentes éditions, d’aller « de la science à la politique en passant par le terrain » afin de faire ressortir des stratégies alternatives à même de mieux gérer les ressources naturelles, d’améliorer la sécurité alimentaire et de contribuer au développement durable des territoires dans les 3 sous-régions : Méditerranée du Nord/Europe du Sud, Méditerranée du Sud/Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest.
Cette édition s’inscrit dans la suite du SESAME 3 et de la COP 21. Le séminaire vise à faire pont avec la COP 22 qui sera organisée par le Maroc du 7 au 18 Novembre 2016 à Marrakech.
2. L’accord de Paris a souligné la grande vulnérabilité des systèmes de production alimentaire aux changements climatiques, notamment dans les pays en développement, l’enjeu crucial de l’adaptation et la nécessité d’intégrer les enjeux de production et de sécurité alimentaire dans les stratégies de développement à faibles émissions de GES (que les Parties doivent communiquer d’ici 2020), d’atténuation et d’adaptation.
Accord de Paris (COP 21)
Préambule : « Les Parties reconnaissent la priorité fondamentale consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, et la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques ».
Article 2 : « Le présent Accord vise à renforcer la riposte mondiale à la menace climatique.
a) en contenant l’évolution de la température moyenne nettement au-dessous de 2° ;
b) en renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ».
L’action pour l’adaptation devrait suivre une démarche impulsée par les pays prenant en considération les groupes, les communautés et les écosystèmes vulnérables. La décision prise à la COP21 invite les Parties à intensifier leur coopération en vue d’améliorer l’action pour l’adaptation en échangeant des renseignements, des bonnes pratiques, des expériences et des enseignements, et à mettre en œuvre des politiques, plans et mesures appropriés. Les Parties sont également invitées à prendre des mesures pour renforcer les puits de carbone, y compris par des versements liés aux résultats. Et l’accord stipule la nécessité de faire évoluer les flux financiers pour réussir les transitions et de renforcer les liens / créer des synergies entre atténuation, adaptation, financement, transfert de technologies et renforcement des capacités.
L’agriculture est au premier rang des préoccupations sur l’adaptation telles qu’elles ressortent de l’examen des INDCs (contributions déterminées au niveau national). Le secteurs des terres (agriculture, forêt et sols) représente par ailleurs 40% du potentiel mondial d’atténuation à l’horizon 2030 selon le dernier rapport du GIEC, grâce notamment à ses capacités à stocker du carbone dans la biosphère terrestre (sols et biomasse), la restauration des terres dégradées représentant une priorité mondiale de premier rang. En outre, la production alimentaire doit s’accroître d’au moins 60% d’ici 2050 et les enjeux d’emplois et de maintien des équilibres urbain/rural liés à l’agriculture, sont d’une importance cruciale, notamment dans les pays en développement. Il convient par conséquent de faire évoluer les visions, stratégies, institutions et dispositifs d’appui relatifs à l’agriculture pour promouvoir des systèmes agricoles qui soient à la fois plus productifs et plus résilients, tout en contribuant autant que possible à l’effort mondial d’atténuation.
C’est notamment l’objet de l’initiative « 4 pour 1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat », lancée à Paris à la COP 21 le 1er décembre 2015, inscrite dans le Programme d’action Lima Paris. Elle vise en effet à promouvoir des systèmes agricoles et agro-sylvo-pastoraux à même de stocker davantage de carbone dans les sols, et donc aussi plus productifs et plus résilients. L’enrichissement en matière organique des sols accroît leur capacité de rétention en eau (adaptation aux effets des sécheresses) et leur fertilité. L’initiative regroupe aujourd’hui 150 signataires (Etats, Organisation intergouvernementales dont la FAO, grandes institutions de recherche agronomique, ONG et organisations agricoles..).
Programme d’action Lima-Paris / Initiative 4 pour 1000 (COP 21)
L’initiative « 4 pour 1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » promeut une agriculture séquestrant du carbone dans les sols. Une augmentation de 4/1000 par an du stock de carbone dans les sols permettrait : i) d’arrêter la croissance du CO2 dans l’atmosphère, ii) de redonner de la fertilité aux sols et de la résilience aux systèmes (adaptation) et iii) d’améliorer la capacité de nourrir 9.5 milliards personnes en 2050.
3. Le dernier rapport du GIEC et les résultats du séminaire SESAME 3,
fondation-farm.org, tenu en février 2015 à Paris ont montré combien le changement climatique menaçait la Méditerranée du Sud et l’Afrique de l’Ouest par ses conséquences constatées et annoncées sur le cycle de l’eau, sur l’agriculture et sur la sécurité alimentaire.
Les deux sous-régions se caractérisent en effet à la fois par l’ampleur du dérèglement climatique annoncé, par leur vulnérabilité environnementale et socio- économique et par la croissance des besoins à satisfaire en termes d’emplois et d’alimentation, particulièrement forte en Afrique de l’Ouest. L’Europe, en voie de « méditerranéisation » rapide, est et sera également impactée, directement et indirectement. Sans changement de trajectoire, des pertes de production et de revenus et des migrations importantes Sud-Sud et Sud-Nord seront inéluctables. L’enjeu est donc aussi celui du maintien de la stabilité régionale à terme.
4. Une des principales raisons de la forte vulnérabilité régionale au changement climatique est l’importance relative des systèmes de production en pluvial et l’état actuel de dégradation des sols. L’érosion, la perte de fertilité des sols et la désertification ont en effet pour conséquences une faible productivité agricole et une faible résilience des systèmes de production au choc climatique, une pauvreté accrue et une amplification de la vitesse d’envasement des retenues des barrages. Relever le défi de la sécurité alimentaire, de l’atténuation et de l’adaptation en Méditerranée et Afrique de l’Ouest suppose par conséquent non seulement de mieux mobiliser et gérer l’eau pour l’irrigation mais aussi de mieux gérer les systèmes d’agriculture pluviale notamment en restaurant et renforçant la fertilité des sols. Les régions méditerranéennes et ouest africaines sont donc particulièrement concernées par l’initiative « 4 pour 1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat »
5. L’expérience de quelques agriculteurs et territoires pionniers, engagés dans la transition agro-écologique dans les 3 sous-régions (Afrique de l’Ouest, Méditerranée du Sud, Méditerranée du Nord) montre des possibilités de triple gain à grande échelle, c’est-à-dire des progrès simultanés en termes de sécurité alimentaire (production, revenus et accès, stabilité), d’atténuation et d’adaptation (résilience au choc climatique). Les modes d’intensification permettant ces triples gains sont notamment l’agroforesterie, l’agriculture dite « de conservation » et les aménagements et modes de gestion des terroirs améliorant la collecte des eaux de pluies et de ruissellement et régulant la pression pastorale. Ces progrès peuvent être le fait d’exploitations, de groupes, de grandes coopératives et de territoires très locaux ou plus larges. Si, dans les systèmes d’agriculture pluviale, il s’agit surtout d’innover au plan d’abord agronomique, dans les systèmes complexes de type agro-sylvo-pastoraux de montagne, des aménagements et projets de type « paysages/terroirs » sont nécessaires. De nouvelles filières génératrices de valeur ajoutée peuvent aussi se structurer à l’occasion de la transition (ex : produits de terroirs et produits nouveaux de l’agroforesterie).
6. Réussir les nécessaires transitions suppose de nouvelles prises de consciences et d’importants changements, sur le terrain, dans les outils de soutien (diagnostics des exploitations et des territoires/terroirs, projets et programmes, financements, recherche et développement…) dans les stratégies des Etats et des acteurs privés et dans les institutions et les politiques.
Le sujet doit être compris dans sa dimension systémique et prendre en considération les enjeux fondamentaux de l’emploi et de la sécurité alimentaire. L’accord de Paris (COP 21) a d’ailleurs, dans son article le plus important, celui qui en fixe les objectifs, stipulé qu’il convenait « d’accroître la capacité à s’adapter et à promouvoir un développement à faibles émissions de GES d’une façon telle que la production alimentaire ne soit pas menacée ». Le même article 2 stipule la nécessité de réorienter les flux financiers pour permettre un développement approprié, c’est-à-dire pour réussir l’adaptation et l’atténuation tout en tenant compte des enjeux de sécurité alimentaire.
7. Le SESAME 4 a pour objectifs de formuler des propositions autour des thématiques suivantes :
Transition agro-écologique
Pourquoi la transition agro-écologique est-elle une nécessité incontournable pour réussir l’adaptation et comment une agriculture climato-intelligente de type 4/1000 peut-elle atteindre des objectifs en matière économique (valorisation/revenus) et sociale (emplois, équilibre territorial) ?
Peut-on réussir le triple gain ?
Engagement des acteurs et financement
Quels nouveaux outils de gestion contractuelle, de mesure des progrès et de financement peuvent et doivent être initiés et mis en œuvre ?
Comment mobiliser efficacement les nouveaux fonds devant servir l’adaptation et l’atténuation ?
Quels types de paiements pour services environnementaux et de contractualisation à mettre en place ?
Stratégies et politiques
Quelles nouvelles stratégies et politiques les Etats peuvent-ils initier pour mobiliser les institutions et les acteurs publics et privés afin de réussir les transitions ?
Et comment progresser à la COP 22 et après ?