Le secteur agricole est essentiel à l’économie du pays et il a une importance sociale considérable. Il dispose d’un potentiel inexploité encore substantiel et d’importantes marges de progrès. Il est cependant affecté par sa vulnérabilité et par de nombreux facteurs limitants. Son développement à moyen et long terme est confronté à des enjeux décisifs pour le pays, ceux de la sécurité alimentaire, ceux de son rôle dans l’économie nationale et la société, ceux de la gestion durable des ressources naturelles, ceux de sa contribution au bien-être des populations rurales et de l’équilibre villes-campagnes et ceux enfin de l’insertion du pays dans la globalisation.
L’agriculture marocaine a connu dans son histoire quelques grands tournants qui ont chacun, compte tenu du contexte de l’époque, marqué une nouvelle phase de progrès. Ainsi en a-t-il été du tournant des premières années 60 qui a redonné sa place à une agriculture paysanne ignorée par la colonisation, de celui du programme du million d’hectares irrigués lancé au début des années 70 marqué par de grands projets d’infrastructure et d’aide massive à la production agricole, de celui, dans les années 80, de l’ajustement structurel avec des réformes qui pour certaines sont restées inachevées.
Les résultats sont là mais ils n’ont pas suffi à faire de l’agriculture le grand secteur porteur qu’il devrait être. Aujourd’hui, un constat largement partagé s’impose à nous celui d’une stagnation voir un recul des performances économiques du secteur agricole durant la dernière décennie :
- L’agriculture marocaine a doublé son PIB depuis 1960 mais l’évolution n’a pas été régulière. Durant les années 60 et le début des années 70, elle a connu une croissance annuelle moyenne de 5%. Cette croissance a été suivie d’une période de stagnation de 1972 à 1985 avant une relance significative entre 1986 et 1991 marquée par une croissance rapide évaluée à 10%. Mais au cours de la dernière décennie, la croissance agricole a stagné et sa variabilité s’est accrue ;
- La balance commerciale agricole accuse un déficit croissant. Le ratio des exportations sur les importations agricoles qui a culminé à environ 80% à la fin des années 80 n‘a guère dépassé 40 % en 2000 et 2001. La part du Maroc dans les exportations agricoles mondiales a stagné entre 0,15 et 0,20 % signifiant qu’il n’a pas réussi à conquérir de nouvelles parts du marché mondial faute d’une politique de commerce extérieur agressive. Par contre la part des importations agricoles marocaines dans les importations mondiales sont en augmentation durant ces dernières années ;
- Au cours de la période 1990-2000 la pauvreté a significativement progressé et demeure largement un phénomène rural (66%).
Pourquoi on en est là? Cette question est bien sûr le point de départ de toute réflexion stratégique sur la vision du futur de l’agriculture marocaine et sur la feuille de route permettant de réaliser cette vision.
Le Colloque National de l’Agriculture et du Développement Rural de juillet 2000 avait fait émerger un projet national de développement agricole et rural exprimant les finalités et les objectifs de l’agriculture marocaine avec des recommandations de plans d’action requis pour sa mise en œuvre. Mais l’ampleur des enjeux d’aujourd’hui, liés notamment à l’ouverture progressive du secteur dans le cadre des accords de libre-échange conclus par le Maroc, nous ramène à un réexamen de ce projet. Cette ampleur impose, en effet, un changement de fond, celui qui transformera une agriculture peu productive, peu compétitive, vulnérable aux risques climatiques et de marché en une agriculture productive, compétitive, durable, intégrée au marché national et international, générant des emplois productifs et des revenus et contribuant à la croissance de l’économie nationale dans son ensemble.
Cette transformation est certainement un processus dynamique d’adaptation permanente et de longue haleine qui exige une réorganisation des systèmes productifs agricoles favorisant une agriculture concurrentielle qui exploite les avantages comparatifs du pays en vue d’une valorisation optimale de ses ressources. Elle se fonde sur une convergence stratégique de politiques, de dispositifs institutionnels et financiers ainsi que des programmes d’investissement dont on attend la dynamisation du processus d’éclosion d’une agriculture moderne conforme aux exigences de l’ouverture.